« Celui qui vient du sud et du 20 ème siècle a connu avec précision le sens du mot étranger. Il sait que le sud s’en est allé dans des bateaux et des trains pour s’ancrer ailleurs. »
« Nous sommes un désert qui marche, peuple de sable,
fer dans le sang, chaux dans les yeux, un fourreau de cuir.
Tant de vies détruites ont aplani le voyage, des pas ôtés à d’autres poussent les nôtres en avant. »
« Nous sommes les allers-simples. Nous sommes les innombrables, redoublés à chaque case d’échiquier.
Nous pavons de squelettes votre mer pour marcher dessus. (…) Vous ne pouvez nous compter.
Une fois comptés, nous augmentons. Nous sommes venus pieds nus, sans semelles. Aucune police ne peut nous opprimer, plus que nous n’avons déjà été blessés. (…)
« Nous serons vos serviteurs, les enfants que vous ne faites pas,
nos vies seront vos livres d’aventures.
Nous apportons Homère et Dante, l’aveugle et le pèlerin,
l’odeur que vous avez perdue, l’égalité que vous avez soumise. »
« De toute distance nous arriverons, à millions de pas
ceux qui vont à pied ne peuvent être arrêtés.
(…)
Nous sommes les pieds en marche pour vous rejoindre,
nous soutiendrons votre corps, tout frais de nos forces.
Nous déblaierons la neige, nous lisserons les prés, nous battrons les tapis
nous sommes les pieds et nous connaissons le sol pas à pas. »
Erri de Luca, Aller simple
Dans le cadre de sa résidence à la Villa La Brugère, Gilles Desplanques poursuivra ses recherches autour des migrations. Par des sculptures et des performances, il interrogera cette zone frontière que représente le littoral. Et par extension, la frontière entre deux mondes, deux états. Même si Arromanches n’est pas un lieu de transit, de passage proprement dit, il proposera un récit qui interroge ces vies errantes, ces parcours, ces fuites, ces traversées, ces refoulements ou ces accueils. Un récit où la mer est omniprésente et où l’horizon représente une attente, un appel, un espoir, un mirage.
La Villa La Brugère est pour lui un observatoire privilégié, un point vigie, un espace frontière entre terre, mer et ciel. Un lieu qui favorise les rencontres inattendues, comme dans Paysage domestique, l’exposition qui a suivi sa résidence à Grasse en septembre 2023. Il y montrait des formes improbables, des sculptures/mobiliers qui sont comme des fragments hybrides, des épures – en métal ou en bois brûlé – auxquels s’amalgament d’autres éléments (cires, couverture de survie, animaux naturalisés, etc..).
A travers ces recherches , Gilles Desplanques tente d’interroger les frontières entre le familier et le sauvage, le quotidien et l’étranger, l’inattendu, et d’évoquer le trouble d’un monde malmené par l’Homme au détriment de l’ensemble du vivant. Il mène en parallèle une installation video et sonore : la traversée.
Il a débuté en Méditerranée des prises de vue sous l’eau qu’il poursuivra pendant sa résidence.