Premier écrivain à être venu en résidence à la Villa La Brugère, Daniel Foucard y a écrit une partie importante de Bill, faux ouvrage collectif sur Bill Gates, publié en 2011 aux éditions inculte.
« Bill n’est plus l’ennemi public un point zéro. Bill n’est plus un potentat, un souverain, un Monopoly à lui tout seul, il a changé. Il est devenu l’ami des nécessiteux qui n’en espéraient pas tant. Il redistribue son argent, le cède au développement, l’anoblit. Car l’heure est à la honte de l’accumulation privative et au repentir. Boudant sa puissance, le boss a démissionné, à sa manière : un lieutenant au volant, mais son pied sur la pédale de frein. Plus libre, il s’est missionné, concevant seul un tout nouveau challenge : convaincre les autres très très riches de lâcher autant d’argent que lui pour des causes humanitaires reconnues urgentes. Soudain bavard, émouvant, convaincant, généreux voire encombrant, il donne beaucoup et reçoit peu. À vérifier tout de même. Reste que deux ou trois bilans comptables ont suffi à redimensionner sa cote d’amour. Quel virage.
(…)
Nous allons écrire à quatorze auteurs non spécialistes, la vulgate revisitée et remastérisée du jeune retraité le plus médiatisé des Nouvelles Technologies de l’information et de la communication, comme on dit. Trois coordinateurs du collectif, un peu comme le trio fondateur de la start-up la plus vorace de l’histoire, douze auteurs invités à broder autour de l’archétypal héros américain du business, wonder Bill, héros dorénavant chronique, faisant ses gammes dans un cothurne d’étudiant frustré pour pouvoir rallier une suite sexy à Hollywood Park.
Sauf que Bill est un gars sans histoires, comme chacun sait. Il faudra bien qu’on en invente un peu pour combler quelques béances. Il communique très peu sur sa vie privée et doit accepter, en retour, des fantasmes fictionnels s’appuyant sur des informations aussi rares qu’incomplètes. Bill n’est même pas un thème, ce sont nos spéculations le seul thème et pour qu’elles ne prolifèrent pas bêtement au gré de nos caprices nous les avons encadrées. Ainsi, nous évoluerons guidés par deux notions clés collant au personnage : le restart et la prospective. Redémarrer l’histoire pour qu’elle prenne corps et voir ce qu’elle nous confère. Enjoliver l’histoire de Bill avant que ses historiographes ne l’enjolivent trop, la tronquer avant que ses adversaires ne la tronquent. Avancer en territoire inconnu avec des hypothèses sur ce qu’on trouvera et sur ce qu’on croira y trouver. Faire de son épopée notre subjectivité. »