Résidence

Antoine Mouton

09.06.2023 - 08.07.2023

Antoine Mouton vient à la Villa La Brugère travailler à l’écriture d’un livre en cours, qu’il présente ainsi :

« Depuis quelques temps, un titre m’obsède : Langage m’engage.
Je le dis souvent aux participants des ateliers d’écriture, lorsqu’ils redoutent le moment où ils vont devoir lire leur texte à voix haute devant les autres, pour donner une explication à leur peur, et les détendre aussi.
Mais surtout, je l’éprouve chaque jour : parler nous projette dans la vie, nous lie à l’existence aussi fortement que nos actes. Faire ce qu’on dit, dire ce qu’on fait : on connaît la chanson, pourtant peu de monde est en mesure de la chanter très clairement. « Langage m’engage » n’est pas seulement un jeu de mots, ou alors ce sont les mots qui se jouent de nous pour nous rappeler que nous leur devons notre attention.
J’ai toujours envisagé les recueils de poèmes comme des corps, mais longtemps j’ai pensé qu’il s’agissait d’assembler des os et d’espérer que la vie prenne à partir d’un squelette. À présent je perçois plus volontiers le recueil comme une peau, une surface de rencontre entre le monde et soi, une zone de contact où les histoires font des plis, des creux, de la rugosité, de la douceur aussi, où les phrases créent de l’inattendu, du relief, de la géographie. Langage m’engage serait une peau composite, pleine de poèmes et de situations, où chacun serait amené à cesser de croire qu’il n’y a rien à dire et que parler ne sert à rien.

 

La première chose que je peux vous dire, c’est que je suis ailleurs.
On dit parfois d’une personne qu’on croise : elle est complètement ailleurs celle-là.
J’y suis aussi.

Il doit y avoir plusieurs ailleurs car j’y suis seul.
Depuis la fenêtre face à laquelle j’écris, je vois la mer.
Mais je ne peux pas la toucher.
Par contre, je peux toucher ce que j’écris.

Ce n’est pas un rêve, c’est mieux que ça : une distance.
Entre le monde et moi, de l’air, de l’eau, du langage.
Langage m’engage, me dis-je.
Et le monde intérieur s’approfondit.

Je suis ailleurs mais je suis là quand même.
La présence est question d’espace.
Dis voir, dit-on.
Manière d’apostropher. »

Antoine Mouton

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